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Un café-philo à Guéret (l’Incendiaire n°4, avril 1997) par Eric Geysen-Lachérade

Publié le samedi 29 décembre 2007.


Motivé par le succès et l’ambiance de nos débats au Gil’bar, j’ai décidé, il y a deux mois de proposer l’idée à une association qui recherchait des moyens pour "moderniser" la Creuse. L’idée a plu, le pari était lancé ! Le café, nous le choisissons dès le début : ce sera le Pub 35, un pub avec une chaleur extraordinaire qui nous transporte sur un autre continent, de l’autre côté de la Manche... Ce haut lieu de la musique (Graeme Allwright s’y est produit récemment), et des bières de toutes sortes accueilleront les débats-philo.

Premiers contacts avec le patron au mois de janvier. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est motivé et qu’il y croit. Pourtant, le pari est osé. Guéret n’a que 16000 habitants, pas d’université, une population vieillissante.

Enfin, la date est fixée, ce sera le 8 mars 1997, à 18h30. La première sera animée par Jean-François Chazerans, on ne change pas une équipe qui gagne...

Mais avant de faire le débat, il faut l’annoncer. Fabrications d’affiches, articles dans les journaux, puis pose des affiches... qui seront bientôt recouvertes par la face souriante du leader charismatique de l’Amicale pour la Peste Brune.

Premier article dans le journal : 5 ou 6 lignes, pas plus, bof...

Deuxième article : truffé d’erreurs, ils n’ont rien compris et annoncent que les débats auront lieu toutes les semaines au lieu de tous les mois.

Enfin, le jour arrive. Personnellement, je suis stressé. Nous arrivons au Pub 35 avec quelques habitués du Gil’bar qui sont venus avec Jean-François, et que je remercie au passage pour leur soutien. Après avoir visité les lieux et pas mal discuté avec le patron, nous voyons peu à peu arriver les participants. Nous serons une quarantaine, pas mal pour une première ! Et en plus, ils sont venus avec des sujets.

"Démocratie et citoyen", "le pouvoir et l’argent", "le corps et l’âme", "comment maintenir une société fondée sur l’exploitation du travail alors qu’elle supprime toujours plus de travail ?"... Le sujet choisi sera "doit-on toujours dire la vérité ?"

Le débat démarre immédiatement, certains ramènent la question à l’enfant.

A partir de quand peut-on dire une "vérité" à un enfant ? Je me dois de rapporter l’anecdote croustillante citée par Jean-François pour illustrer le débat : "Lors d’une visite dans un musée, je me trouvais à côté d’une mère de famille avec son enfant devant un moulage d’une vulve de girafe. Lorsque l’enfant lui a demandé ce que c’était, elle lui a répondu que c’était une girafe." Les participants, amusés, restent dubitatifs, a-t-elle eu raison d’éloigner ainsi son enfant de la réalité ?

Il en ressort que les enfants doivent être tenus à l’écart de ce qu’ils ne peuvent comprendre, mais comment pouvons-nous juger à leur place de ce qui est bon pour eux ? Par la suite, nous essayons de savoir s’il peut y avoir une définition de la vérité.

Ceci est difficile car nous constatons rapidement que les participants confondent opinions et vérités, l’opinion étant plutôt individuelle, et la vérité résultant d’une attitude normative. Vers la fin du débat, une intervention nous fait remarquer qu’il serait temps que les philosophes donnent leur point de vue car il serait inconcevable de sortir du débat sans avoir rien appris. Voilà une attitude très révélatrice de la tendance des français à penser que rien de positif ne peut venir d’eux-mêmes, il leur faut un gourou. Mais le philosophe n’est pas un gourou : il est un individu que le doute habite. S’il se pose des questions concernant le sens de la vie, il ne peut pas toujours y répondre. Ainsi il est très délicat de dire qu’il faut toujours dire la vérité, tout dépend de la situation, des gens impliqués... De plus la vérité est difficile à cerner car elle est un concept, or il n’y a rien de plus subjectif qu’un concept.

Nous avons donc eu une participation plutôt importante pour une première, même si, parfois, la parole était prise sans avoir été demandée... Au bout de deux heures de débat, les participants étaient enchantés, même s’ils n’avaient pas eu de définition de la vérité, ceci étant par essence impossible.

Nous avons eu un accueil agréable et la plupart de ceux qui étaient présents ont envie de revenir. Le prochain café-philo aura lieu le 5 avril, toujours à 18h30, alors avis aux amateurs car Guéret n’est qu’à 140 km de Poitiers. Cette fois-ci, ce sera moi l’animateur, alors je ne vous dis qu’une chose, venez assister au premier débat-philo animé par un motard, vous ne le regretterez pas.


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