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Retour à l’Agora par Eric Geysen-Lachérade, l’Incendiaire n°1, janvier 1997

Publié le samedi 29 décembre 2007.


Depuis quelques années, à l’initiative de Marc Sautet, les cafés philosophiques se répandent de plus en plus dans les villes françaises. Chaque semaine, les habitués se font plus nombreux, fidèles à un rendez-vous qui se veut convivial et la plupart du temps profitable culturellement. On peut tout de même s’interroger sur les raisons d’un tel engouement. Ne doit-on y voir qu’une préoccupation à préparer un XXIè siècle "qui sera spirituel ou ne sera pas" comme l’a dit André Malraux ; ou bien le désir de participer activement à l’élaboration d’un style de pensée plus actif, plus constructif aussi.

En effet, dans une France particulièrement secouée par la "fracture sociale" et où la démocratie semble prendre la poudre d’escampette, le débat philosophique semble être l’un des derniers recours du citoyen désireux de s’exprimer. Il suffit de citer l’instigateur du cercle philosophique récemment ouvert à Bordeaux : "Au risque d’être ridicule, je me suis lancé. Dès le premier soir, les gens me remerciaient. On est coincés derrière nos fax, téléphones, Minitel, portable, télé..., m’a dit l’un d’eux. Il existe enfin un endroit, à Bordeaux, où l’on peut discuter." [1]

La multiplication des moyens de communications (téléphones portables, Internet, télévision par satellite...) devrait en effet permettre aux hommes de mieux se comprendre, voire de s’unir davantage face aux différents problèmes générés par la vie en société, or il n’en est rien. Entouré à longueur de journées par les médias, l’homme ne cherche plus qu’à s’isoler pour éviter une surdose de communication qui le pousse tout les jours davantage vers l’abrutissement. Un tel état d’esprit entraîne forcément la lassitude et la passivité. Actuellement, l’homme n’est plus qu’une gigantesque antenne parabolique qui, bien entendu, se contente de recevoir les informations sans jamais parvenir à s’exprimer.

Face au ras-le-bol général, les plus courageux décident de se mettre en grève, grève qui, bien souvent ne sont que des ronds dans l’eau. Peut-être que les "Socrate des cafés" peuvent amener des changements dans la société en incitant l’individu à réfléchir. De plus, il est net que les cafés philosophiques participent à l’augmentation du lien social. Celui qui ne veut plus se sentir seul dans ses pensées trouvera en effet dans le débat philosophique une occasion de partager ses opinion et d’en découvrir d’autres. Aujourd’hui, l’Agora n’existe plus. Le citoyen ne peut plus disserter face aux sophistes que sont nos "représentants" les hommes politiques, ni trouver une réponse à ses questions. Alors, pour trouver une solution, ou plus simplement pour dédramatiser une situation qui ne cesse d’empirer, il ne reste plus que les débats philosophiques, qui sont autant d’espaces de rencontres ou de protestations comme l’était l’Agora du bon temps de Platon.

[1] Télérama n°2443, 6 novembre 1996


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