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Lettre de Jean-François Chazerans à Marc Sautet du 2 octobre 1995

Publié le samedi 29 décembre 2007.


Cher Marc,

Je suis venu à Paris la semaine dernière pour suivre les débats philosophiques dans les cafés en fête et j’ai été assez impressionné par l’importance que ça a pris. J’en avais une petite idée car j’étais à Vouillé la première fois que tu es venu et j’ai participé au débat sur le parasite. Mais à Paris, surtout le dimanche matin, il y a foule ! C’était décidément très difficile de te parler personnellement !

Tu m’avais dit en 94 à Vouillé : " Abandonne l’enseignement (je suis maître auxiliaire de philo en rupture de banc et au chômage cette année) et monte un cabinet philosophique". Je me trouvais jeune et inexpérimenté et je trouvais encore un certain intérêt à enseigner au lycée, je me suis trouvé des raisons pour ne pas le faire. Mais maintenant j’ai le temps et je pense comme toi "nombre de ceux qui renoncent à enseigner la philosophie par crainte de se fourvoyer ou par lassitude trouveront une véritable issue dans l’ouverture d’un cabinet" (Un café pour Socrate). Enseigner la philosophie au lycée est devenu trop "alimentaire" pour moi et j’ai souvent l’impression de me compromettre. J’ai donc pour projet d’"ouvrir" un cabinet à Poitiers.

Pourquoi t’en parler me demanderas-tu ? Seulement parce que j’apprécie vraiment ta façon de pratiquer la philosophie : quelle "leçon" tu m’as encore donnée mercredi et jeudi soir derniers ! Il y a un certain temps déjà que je me suis "rangé" à la conception de la pratique de la philosophie de J. T. Desanti : "A mon sens être philosophe, c’est avant tout ne pas se contenter. C’est surtout ne pas se reposer dans la pure possession des formes de pensée philosophiques qui sont notre héritage. Se dire, au fond, que rien ne doit être possédé et que, si l’on dispose de ce qu’on appelle des données, un acquis culturel, on doit toujours les considérer comme disponibles, critiquables, et promis à la destruction. A mon sens, être philosophe, même à l’égard des sciences, consiste à introduire dans la bonne conscience du savoir l’inquiétude et la négation. Par conséquent, dès l’instant où il apparaît qu’on ne peut pas se reposer dans le savoir constitué et qu’il serait imprudent de s’en remettre à ceux qui savent, je dirais qu’il appartient à tout homme d’exercer, dès qu’il entre en révolte ou en contestation, la fonction philosophique" j’ai l’impression que toi aussi tu penses cela : penser c’est dire non ! Ton originalité c’est de pratiquer cette philosophie jusqu’au bout, c’est-à-dire de ne pas rester dans la philosophie "universitaire" et être où ça se passe : dans la "vraie" vie diraient mes élèves ! Donc, si j’arrive à mes fins, ce cabinet sera un de tes nombreux petits enfants, petit-fils que je ne voudrais absolument pas te faire dans le dos !

Quoi qu’il advienne j’aimerais adhérer à l’association du café des Phares et avoir la Lettre et les résumés des débats. Pourrais-tu m’informer ou me faire informer sur les modalités d’inscription ?

En espérant t’annoncer bientôt une naissance.


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